Une force désigne, en physique, l'interaction entre deux objets ou systèmes, une action mécanique capable d'imposer une accélération induisant la modification du vecteur vitesse (une force exercée sur l'objet fait aller celui-ci plus vite, moins vite ou le fait tourner). En 1684, Isaac Newton a précisé ce concept en établissant les bases de la mécanique newtonienne. La base sensorielle de la notion est donnée par la sensation de contraction musculaire.
Histoire
Le concept de force est ancien, mais il a mis longtemps à obtenir une nouvelle définition utilisable. En effet, à la différence de grandeurs physiques telles que la longueur ou la masse, qui sont représentées par des grandeurs scalaires, les forces peuvent être représentées par des vecteurs. Les représentations vectorielles des forces doivent être distinguées des forces proprement dites. Certains philosophes et physiciens, dits opérationnalistes ou instrumentalistes au sujet des forces, nient qu'il existe des forces : selon eux, les vecteurs de forces utilisés en mécanique sont des outils utiles du physicien, mais ils ne décrivent rien dans la réalité. Un de leurs arguments est que les forces sont imperceptibles. Les réalistes au sujet des forces, à l'opposé, soutiennent que les vecteurs de forces réfèrent à des forces qui existent indépendamment de leur représentation. À l'objection selon laquelle les forces seraient imperceptibles, ils répondent souvent que la perception tactile ou le sens musculaire nous permettent d'expérimenter de telles entités physiques.[réf. souhaitée]
Archimède, lors de l'étude du problème du bras de levier, évoquait le poids des corps, sans expliquer plus explicitement ce qu'il entendait par là. Lors des études sur les poulies, la notion de force est utilisée confusément comme étant la tension dans les fils. Même le problème du plan incliné ou celui de la chute des corps sont résolus par Galilée sans faire appel explicitement à la notion de force.
Parallèlement, la composition des forces apparaît implicitement dans les travaux de Stevin (De Beghinselen der Weeghconst, 1586). Toutefois, la distinction entre la notion de force et de vitesse ne se fait pas encore, et il faudra attendre les travaux d'Isaac Newton pour avoir une formalisation précise de la notion de force. La définition donnée dans les célèbres Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1687) est celle qui est encore acceptée de nos jours.
La définition du concept de force a permis une présentation simple de la mécanique classique par Isaac Newton (lois du mouvement de Newton).
Aujourd'hui, la notion de force reste très utilisée, en particulier dans l'enseignement et dans l'ingénierie. Pourtant, alors que les moments, l'énergie et les impulsions sont des grandeurs fondamentales de la physique, dans le sens où ils obéissent tous à une loi de conservation, la force peut être vue comme un artifice de modélisation, commode mais non indispensable. En mécanique analytique existent des formulations de la mécanique classique qui n'utilisent pas le concept de force. Ces formulations, apparues après la mécanique newtonienne, font cependant appel à des notions encore plus abstraites que le vecteur force, et on considère en conséquence qu'il vaut mieux les introduire seulement dans l'enseignement supérieur.
Les forces sont d'autre part souvent confondues avec le concept de contrainte, et notamment avec les tensions.
Définition
En mécanique classique, une force a un sens strict. C'est la modélisation d'une interaction, quelle que soit la nature de celle-ci. La force ou interaction résulte de l'action d'un objet sur un autre. C'est le cas en particulier des interactions de contact (pression, frottement, interaction dans une liaison) ou à distance (force gravitationnelle, force électrostatique, force électromagnétique). La force est représentée par un vecteur ayant un point d'application, une direction, un sens et une intensité (en newtons). [voir vecteur Force]
Un concept très utile
Le concept de force est très utile pour « imaginer » le mouvement (dynamique), les efforts (statique) ou déformations (Résistance des matériaux) subis par un objet. Quelle que soit la ou les causes du mouvement ou des efforts (freinage par frottement, accélération par moteur, portance sur une aile par les écoulements de l'air, attraction par la terre, attraction par un aimant etc.), tout se passe comme si on attachait à cet objet des petits élastiques tendus avec la même tension que la force qui s'applique sur l'objet.
Qui plus est, il est possible de combiner les forces s'appliquant sur un même point, mais provenant de différentes causes, en une seule force. Pour cela, il suffit de sommer les vecteurs force (cette opération revient à remplacer deux élastiques attachés à un même point, mais tirant peut-être dans des directions différentes, par un seul élastique produisant la même tension).
C'est cette capacité à réunir et à combiner dans un même outil des phénomènes aussi variés qui confère toute sa puissance au concept de force.
Ainsi, une fois assimilées les lois du mouvement de Newton, on peut comprendre l'effet de n'importe quelle interaction sur un objet. Pourvu, toutefois, qu'on reste dans les conditions d'application de la mécanique classique :
Les objets doivent être suffisamment grands, par rapport à un atome, pour que la matière paraisse continue (sinon, il faut utiliser la mécanique quantique)
Les vitesses doivent être relativement faibles, par rapport à la vitesse de la lumière (sinon, il faut utiliser la relativité générale ou la relativité restreinte)
Le champ de gravitation doit être peu variable et d'intensité limitée, afin que l'on puisse négliger ses effets sur la géométrie de l'espace-temps (sinon, il faut utiliser la relativité générale).
Dans notre vie quotidienne de terriens humains, les conditions d'application de la mécanique classique sont toujours satisfaites sur les objets que nous pouvons voir sur terre à l'œil nu. Mais les propriétés de ces objets (couleurs, dureté, fonctionnement d'un appareil électronique, etc.) s'expliquent en général par des interactions au niveau moléculaire, et nécessitent parfois, pour être expliquées, d'avoir recours à la mécanique quantique.
Le vecteur force
En physique, on modélise une force par un vecteur. Un représentant du vecteur force est caractérisé par quatre éléments :
la direction : orientation de la force
le sens : vers où la force agit
la norme (ou intensité) : grandeur de la force, elle est mesurée en newton (N)
le point d'application : endroit où la force s'exerce
Le parallélogramme des forces (Relation de Chasles appliquée aux vecteurs forces)
Parallélogramme des forces
Article détaillé : méthode du parallélogramme.
Le théorème du parallélogramme des forces provient de la constatation du fait que des mouvements peuvent être combinés entre eux sans que l'ordre de cette combinaison ait une quelconque influence sur le mouvement final.
Dans le parallélogramme ci-contre, on peut distinguer deux types de mouvement :
un déplacement parallèle à AB et DC (côtés bleus du parallélogramme)
un déplacement parallèle à AD et BC (côtés verts du parallélogramme)
Quand un solide est situé initialement au point A, l'ordre de parcours AB puis BC ou bien AD puis DC n'a aucune influence sur le résultat final : quel que soit l'ordre des mouvements, le solide est déplacé au point C.
Forts de cette constatation, l'observation entre les forces (les causes) et les mouvements (les effets) fut fait, Simon Stevin puis Isaac Newton purent énoncer le théorème du parallélogramme des forces :
Considérons un solide au point A. Appliquons-lui une force F1 proportionnelle et parallèle au segment AB et qui déplace l'équilibre du solide au point B, puis une force F2 proportionnelle et parallèle au segment BC et qui déplace l'équilibre du solide du point B au point C. Alors la force F3 parallèle au segment AC et qui déplace l'équilibre du solide du point A au point C est telle que :
F 3 A C = F 1 A B + F 2 B C {\displaystyle {\frac {F_{3}}{\rm {AC}}}={\frac {F_{1}}{\rm {AB}}}+{\frac {F_{2}}{\rm {BC}}}} {\displaystyle {\frac {F_{3}}{\rm {AC}}}={\frac {F_{1}}{\rm {AB}}}+{\frac {F_{2}}{\rm {BC}}}}
La force F3 est appelée la force « résultante » des deux forces F1 et F2.
Inversement, soit un point B quelconque et la force F3 proportionnelle et parallèle au segment AC et qui déplace l'équilibre du solide du point A au point C. Considérons les forces F1 et F2 parallèles respectivement aux segments AB et BC et telles que :
F 1 A B + F 2 B C = F 3 A C {\displaystyle {\frac {F_{1}}{\rm {AB}}}+{\frac {F_{2}}{\rm {BC}}}={\frac {F_{3}}{\rm {AC}}}} {\displaystyle {\frac {F_{1}}{\rm {AB}}}+{\frac {F_{2}}{\rm {BC}}}={\frac {F_{3}}{\rm {AC}}}}
Alors l'application des forces F1 et F2 au solide va déplacer l'équilibre de ce dernier du point A au point C.
Décomposition d'une force
Cette dernière propriété des forces permet de séparer une force en plusieurs composantes et est utilisée par exemple pour décomposer une force de réaction R en ses composantes normale (l'effort d'appui N) et tangentielle (l'effort de frottement T).
Enfin, soit un point D tel que ABCD soit un parallélogramme, alors la force F2, qui déplace l'équilibre du solide du point B au point C, peut aussi déplacer l'équilibre du point A au point D. Il en est de même pour la force F1 qui peut indifféremment déplacer le solide du point A au point B ou du point D au point C.
Le parallélogramme des forces amène naturellement à modéliser celles-ci par un vecteur souvent noté F → {\displaystyle {\vec {F}}} \vec{F}. Le sens et la direction du vecteur indiquent respectivement le sens et la direction de l'action, la longueur du vecteur indiquant l'intensité de cette même action.
Avec cette notation, le parallélogramme des forces se résume simplement à la relation vectorielle suivante :
F 3 → = F 1 → + F 2 → {\displaystyle {\vec {F_{3}}}={\vec {F_{1}}}+{\vec {F_{2}}}} {\vec {F_{3}}}={\vec {F_{1}}}+{\vec {F_{2}}}
Le point d'application
Une force exerce son action en un point appelé point d'application (ou point d'impact). La connaissance de ce point est importante pour déterminer le moment de la force....
L'action d'une force peut être transmise aux autres points de l'objet par déformation élastique, par exemple, si l'on pousse une voiture, la force exercée par la paume de la main est transmise au reste du véhicule.
La notion de point d'application est évidente dans le cas d'une cause « ponctuelle » : si l'on pousse un objet à la main, le point d'application est le point de contact entre l'objet et la main, et si on le tire avec une corde, c'est le point d'attache de la corde. Cependant, à y regarder de plus près, la paume de la main fait une certaine surface, et la corde a une section non nulle. La force s'exerce donc sur une surface, et non pas en un point. Le point d'application est en fait le barycentre de la surface, en supposant que la force est répartie uniformément sur la surface ; sinon, cela se ramène à un problème de pression.
La notion peut s'étendre au cas où la surface de contact est importante, comme dans le cas de la réaction d'un support sur lequel est posé un objet, ou bien la poussée d'Archimède. On l'étend également au cas des forces volumiques, c'est-à-dire des forces à distance qui s'exercent en chaque point de l'objet, comme le poids ou l'attraction électrostatique ; le point d'application est alors aussi un barycentre (le centre d'inertie de l'objet dans le cas du poids).
Dimension et unités de mesure
La force a pour équation aux dimensions :
[F] = M × L × T-2
L'unité de mesure (SI) d'une force est le newton, symbole N, en hommage au savant Isaac Newton.
Le newton équivaut à 1 kg⋅m⋅s-2, c'est-à-dire qu'un newton est la force colinéaire au mouvement qui, appliquée pendant une seconde à un objet d'un kilogramme, est capable d'ajouter (ou de retrancher) un mètre par seconde à sa vitesse.
On a utilisé également le kilogramme-force (kgf), force exercée par une masse de 1 kg dans le champ de pesanteur terrestre (au niveau de la mer), et qui vaut donc environ 9,81 N, ainsi que la sthène qui vaut 1 kN. L'aéronautique et l'astronautique ont fait un grand usage d'un multiple du kilogramme-force : la tonne de poussée. Là où l'on utilisait le kgf, on utilise maintenant le décanewton (daN) :
1 daN = 10 N = 1,02 kgf.
Le kilogramme-force est encore parfois utilisé, bien que l'unité ne soit pas recommandée, par exemple sur certains articles de bricolage (résistance d'une cordelette).
Les anglo-saxons utilisent parfois la livre-force :
1 lbf ≃ 4,45 N
Quelques exemples de forces
Les phénomènes qui provoquent l'accélération ou la déformation d'un corps sont très divers, on distingue donc plusieurs types de force, mais qui sont tous modélisés par un même objet : le vecteur force. Par exemple, on peut classer les forces selon leur distance d'action :
forces de contact : pression d'un gaz, action de contact d'un objet sur un autre (appuyer, tirer), frottement.
forces à distance : poids (attraction gravitationnelle), force électromagnétique.
Forces élastiques
Dans le cas le plus simple de la déformation élastique, l'allongement ou la compression modérée d'un ressort dans son axe engendre une force proportionnelle à l'allongement relatif, soit :
F → = − k x → {\displaystyle {\vec {F}}=-k\,{\vec {x}}} {\vec {F}}=-k\,{\vec {x}}
où k est la constante de raideur du ressort et x son allongement (longueur finale moins longueur initiale ; x → = x u → {\displaystyle {\vec {x}}=x\,{\vec {u}}} {\displaystyle {\vec {x}}=x\,{\vec {u}}}, le vecteur unitaire u → {\displaystyle {\vec {u}}} {\vec {u}} étant dirigé du point d'attache du ressort vers son extrémité mobile).
La déformation des solides est étudiée par la mécanique des milieux continus (MMC).
Pressions
Lorsqu'une force s'exerce sur une surface, il est parfois intéressant de considérer la répartition de la force selon la surface. Par exemple, si l'on enfonce une punaise dans du bois, la punaise s'enfonce car la force est répartie sur une toute petite surface (l'extrémité de la pointe) ; si l'on appuie simplement avec le doigt, le doigt ne va pas s'enfoncer dans le bois car la force est répartie sur une grande surface (l'extrémité du doigt). Pour ce type d'études, on divise l'intensité de la force par la surface sur laquelle elle s'exerce, c'est la pression. Au sein d'un matériau solide, cette pression est appelée contrainte (stress).
Par définition, la pression p vaut :
p = F S {\displaystyle p={\frac {F}{S}}} {\displaystyle p={\frac {F}{S}}}
où
F est la force en newtons (N),
S est la surface en m2,
p est en pascals (Pa), qui sont des N/m2.
Forces centrales
Article détaillé : Mouvement à force centrale.
Une force est dite centrale si sa direction passe à tout instant par un point O fixe dans le référentiel d'étude, appelé centre de force. Bien souvent, de telles forces sont conservatives, mais il est utile de distinguer les deux notions. Ainsi la force de gravitation exercée par un corps ponctuel sur un autre est centrale ET conservative, tandis que pour le pendule simple, la tension du fil est centrale (elle passe à tout moment par le point de fixation du fil) mais NON conservative. Une caractéristique importante du mouvement sous l'action d'une force purement centrale est que le moment cinétique du système par rapport au centre de force est conservé.
Forces conservatives
Article détaillé : Force conservative.
Certaines forces peuvent dériver d'un potentiel, dans ce cas, il existe un champ U homogène à une énergie tel que la force résultante peut s'écrire sous la forme suivante :
F → = − ∇ → U {\displaystyle {\vec {F}}=-{\vec {\nabla }}\,U} {\vec {F}}=-{\vec {\nabla }}\,U
De telles forces sont conservatives.
Forces volumiques
Il existe des forces qui s'exercent sur la totalité de l'objet, comme le poids, ces forces sont dites volumiques. On démontre, dans le cas des solides indéformables, que l'action de telles forces est équivalente à l'application d'une seule force au barycentre du corps, encore appelé « centre de masse », « centre de gravité » ou « centre d'inertie ».
Force et lagrangien
En mécanique lagrangienne, si l'on note L(q,q') le lagrangien du système avec q la position et q' la vitesse du système, on a :
F = ∂ L ∂ q {\displaystyle F={\frac {\partial L}{\partial q}}} {\displaystyle F={\frac {\partial L}{\partial q}}}
On notera que F est une force généralisée : force (au sens ordinaire du terme) si la coordonnée généralisée q est une coordonnée cartésienne (exprimée en mètres), mais moment de force si q est une coordonnée angulaire (exprimée en radians).
Force, travail et énergie
L'énergie fournie par l'action d'une force sur une distance donnée est appelée travail.
En physique, force et énergie sont deux manières différentes de modéliser les phénomènes. Selon les cas, on préfère l'une ou l'autre expression. Par exemple, on pourra traiter la chute d'un objet avec les forces en se servant des lois de Newton, particulièrement la seconde (l'accélération est proportionnelle à la force et inversement proportionnelle à la masse), ou avec les énergies (la diminution de l'énergie potentielle de gravité est égale à l'augmentation de l'énergie cinétique).
Une force travaille (ou effectue un travail) lorsque son point d'application se déplace. Pour le cas d'une force constante, la valeur du travail d'une force, notée W(F), est égale au produit scalaire du vecteur force par le vecteur déplacement.
Mesure d'une force
Tous les appareils servant à mesurer une force reposent dans leur principe de fonctionnement sur la troisième loi de Newton : l'idée est de déterminer l'effort nécessaire qu'il faut opposer à la force à mesurer pour atteindre l'équilibre.
Dans le cas particulier du poids, on peut utiliser une balance qui compare le poids à mesurer au poids d'une masse connue.
Principe de mesure d'une force avec un dynamomètre
Pour les autres cas, on utilise généralement un dynamomètre qui est en général constitué d'un ressort dont on connaît la raideur k et dont une extrémité est attachée à un point fixe. On applique la force à mesurer sur l'autre extrémité du ressort et l'on mesure la variation de longueur Δl du ressort. On en déduit la force F par la relation que nous avons vue plus haut :
F = k Δ l {\displaystyle F=k\;\Delta l} {\displaystyle F=k\;\Delta l}
La mesure de la longueur Δl est généralement faite par un comparateur. La force F étant directement proportionnelle à Δl, il suffit de graduer le cadran du comparateur en newtons plutôt qu'en mètres.
Lorsque la force à mesurer est importante, on peut utiliser une barre massive comme « ressort » (cf. la loi de Hooke). La déformation élastique de la barre est alors mesurée avec un extensomètre (ou jauge de déformation) ; il s'agit en général d'un fil en zig-zag collé sur la barre, et dont la résistance électrique varie avec l'allongement relatif.
Le concept de force et les théories modernes de la physique
En mécanique newtonienne, la relation entre la force et le mouvement est donnée par la 2e loi de Newton ou « principe fondamental de la dynamique » :
F → = d p → d t {\displaystyle {\vec {F}}={\frac {\mathrm {d} {\vec {p}}}{\mathrm {d} t}}} {\displaystyle {\vec {F}}={\frac {\mathrm {d} {\vec {p}}}{\mathrm {d} t}}}
où p → {\displaystyle {\vec {p}}} \vec{p} est la quantité de mouvement de l'objet, c'est-à-dire le produit de la masse par la vitesse (tandis que l'impulsion est le changement de la quantité de mouvement produit dans un court laps de temps donné), et t est le temps. Si la masse est constante, alors on a
F → = m a → {\displaystyle {\vec {F}}=m\,{\vec {a}}} {\displaystyle {\vec {F}}=m\,{\vec {a}}}
où a → {\displaystyle {\vec {a}}} {\vec {a}} est l'accélération.
Ernst Mach a fait remarquer dans son ouvrage La mécanique : Exposé historique et critique de son développement (1883) que la deuxième loi de Newton contient la définition de la force donnée par Isaac Newton lui-même. En effet, définir une force comme étant ce qui crée l'accélération n'apprend rien de plus que ce qui est dans F → = m a → {\displaystyle {\vec {F}}=m\,{\vec {a}}} {\displaystyle {\vec {F}}=m\,{\vec {a}}} et n'est finalement qu'une reformulation (incomplète) de cette dernière équation.
Cette impuissance à définir une force autrement que par des définitions circulaires était problématique pour de nombreux physiciens parmi lesquels Ernst Mach, Clifford Truesdell et Walter Noll1. Ces derniers ont donc cherché, en vain, à établir une définition explicite de la notion de force.
Les théories modernes de la physique ne font pas appel aux forces en tant que sources ou symptômes d'une interaction. La relativité générale utilise le concept de courbure de l'espace-temps. La mécanique quantique décrit les échanges entre particules élémentaires sous la forme de photons, bosons et gluons. Aucune de ces deux théories n'a recours aux forces. Toutefois, comme la notion de force est un support pratique pour l'intuition, il est toujours possible, aussi bien pour la relativité générale que pour la mécanique quantique, de calculer des forces. Mais, comme dans le cas de la 2e loi de Newton, les équations utilisées n'apportent pas d'informations supplémentaires sur ce qu'est la nature intrinsèque d'une force.
Les quatre forces de la nature
L'ensemble des interactions de la matière s'explique par uniquement quatre types de forces :
La force électromagnétique
La force gravitationnelle
L'interaction forte
L'interaction faible
Les deux dernières n'interviennent que de façon interne au noyau atomique et leurs seules manifestations tangibles à notre échelle sont les réactions nucléaires. L'interaction forte permet aux particules composées de quarks, comme les protons et les neutrons, de ne pas se désagréger. Elle est également responsable, bien que de façon indirecte, de la stabilité des atomes. L'interaction faible, plus discrète à notre échelle, se manifeste dans un certain type de réaction nucléaire, la désintégration β.
En dehors des réactions nucléaires, et une fois donnés les atomes et sans considérer leurs interactions internes aux noyaux atomique, la plupart des phénomènes physiques à notre échelle ne font intervenir que les deux autres interactions. La force gravitationnelle se manifeste dans la plupart des phénomènes décrits par l'astronomie et la géologie (essentiellement, en ce qui nous concerne, le fait que nous soyons attirés par la Terre ; que cette dernière ne se désagrège pas en poussière ; les mouvements des astres ; les efforts qu'elle crée sur la croûte terrestre, participant à son évolution géologique ; les marées, …). Toutefois, selon Einstein, la force gravitationnelle n'est pas une force mais le résultat de la courbure de l'espace-temps par la matière. Enfin, la force électro-magnétique est souvent la seule interaction à intervenir dans de très nombreux phénomènes décrits par la chimie (réactions chimiques), la physico-chimie (dureté de certains matériaux, état liquide, solide ou gazeux de la matière), la tribologie (frottements), l'optique (comportement de la lumière), et tous les phénomènes faisant intervenir l'électricité et/ou le magnétisme (y compris le stockage de cet article).
Article détaillé : Interaction élémentaire.
Notes
↑ On the Concept of Force [archive], Walter Noll, 2007
Voir aussi
Articles connexes
Lois du mouvement de Newton
Mécanique statique
Moment (mécanique)
Percussion (physique)
Peson
Poussée
Travail d'une force
Liens externes
La dynamique [archive], Martin Pohl (CERN)
ET
L'honneur peut se définir comme un lien entre une personne et un groupe social qui lui donne son identité 1 et lui confère le respect. L'honneur se gagne par des actes admirés par la collectivité ; on subit la honte en conséquence d'actes méprisés. En ce sens, l'honneur est un attribut collectif, comme la vertu est un attribut individuel. Il peut y avoir des vertus secrètes ; d'honneur secret, point. L'honneur, mais surtout le déshonneur et la honte se transmettent aux proches par contagion.
Dans une même société, il y a le plus souvent des groupes d'honneur différent. Dans les groupes criminels, ne pas parler à la police est une question d'honneur ; fréquenter un délateur atteint au statut de la personne ; tandis que dans la même ville, d'autres gens ont une répulsion du même ordre en ce qui concerne l'usage de la violence, et considèrent comme moralement contaminée une personne qui la pratique, fût-ce dans un contexte sportif, comme la boxe ou le rugby. Si Boileau note qu'un vrai fourbe met son honneur à ne jamais tenir sa parole (Satires XI) c'est que la valeur de référence, pour ceux qu'il estime, c'est le pouvoir de manipuler son prochain ; c'est ce qui le définit comme fourbe.
Lorsque des institutions reconnaissent par un acte public l'importance pour elles d'une personne, cela s'appelle conférer des honneurs. Il y a le tableau d'honneur avec le portrait de l'employé du mois ; les États donnent des décorations, dont en France la principale est la Légion d'honneur. L'appétit des gens pour ces distinctions les amène parfois à manquer leur but. Des candidats avides utilisent, pour les obtenir, des moyens opposés aux valeurs qui soutiennent l'institution. La réaction à cette conséquence de l'institutionnalisation de l'honneur amène d'autres personnes à mettre leur honneur à refuser les honneurs.
Origines
L'honneur procède
« Du lat. class. honos, honoris, masc. « honneur rendu aux dieux, décerné à qqn, marque de considération; charge, magistrature, fonction publique »; à l'époque médiév., honor désigne surtout la charge octroyée par le roi au comte, au duc, aux officiers royaux2. »
L'honneur est une marque de vénération, de considération attachée elle aussi à la vertu et au mérite. Consécutivement, l'honneur est donc une forme d'estime dont on jouit après le combat comme une récompense. Il faut alors comprendre que, pour bénéficier de l'honneur, pour être qualifié d'honorable, il fallait donc avoir combattu. En ce sens, ne rien faire n'était pas un comportement pouvant être qualifié d'honorable, alors qu'il pourrait l'être à notre époque plus paisible (patience courageuse, abstention de revanche, primauté de la réflexion sur l'action, refus de faire une chose choquante, méditation et contemplation monastiques, etc.).
Déclinaisons de la notion d'honneur
Dans le cadre de cette filiation sémantique, l'honneur semble être à l'origine un concept social, patrimonial et moral positif, qui se décline de la manière suivante :
Bien accordé par un suzerain à ses hommes. C'est une récompense, un butin patrimonial qui est plus ou moins synonyme de fief. Le terme reste en usage pour l'Angleterre où Guillaume le Conquérant avait pris soin à ne pas laisser s'établir des principautés. L'un des plus importants, l'honneur de Richmond passera à la famille ducale de Bretagne mettant les ducs bretons dans une situation difficile lors de la guerre de Cent Ans. On connaît aussi l'honneur de Leicester qu'a possédé un temps la famille de Grandmesnil.
Actes de distinction : (rendre les honneurs à...) les honneurs militaires ou les honneurs funèbres, Dame d'honneur ; les diplômes ou Prix d'honneur ; les médailles d'honneur et la décoration de la Légion d'honneur ; les titres décernés Honoris Causa ou à titre honoraire ; être fait citoyen d'honneur d'une ville ; passer sous une haie d'honneur ; faire l'honneur de sa maison à quelqu'un signifie lui faire honneur. Par extension, rentrent dans cette catégorie toutes les distinctions qui font honneur à quelqu'un (décorations, coupes, titres honorifiques ou de noblesse, trophées artistiques, etc.), ainsi que le fait de mettre en lumière ou à l'affiche (mettre à l'honneur) une personne, un événement, un fait, une chose, un métier, une catégorie (générationnelle, sociale...), un comportement (le civisme, par exemple), un territoire, etc.
Dignité, fierté, loyauté, éthique d'un individu, ou d'un groupe : une déclaration sur l'honneur ; donner sa parole d'honneur ; piquer d'honneur revient à persuader quelqu'un que son honneur est en cause ; prendre tout au point d'honneur équivaut à de l'extrême susceptibilité quant à l'honneur ; engager son honneur ou celui du groupe auquel on appartient (l'honneur d'un officier ou de l'Armée) ; honneur national ; tomber au champ d'honneur ; fors l'honneur (François Ier) ; mettre un point d'honneur à, code d'honneur... La radicalisation du sens de l'honneur amène le sentiment individuel revanchard, selon la perception des circonstances historiques ou, tout au contraire le sentiment mortifère de honte en cas d'échec, d'erreur ou de faute déshonorante (mutilation du petit doigt chez les Yakuza et suicide rituel des japonais par hara-kiri). Vendre son honneur signifie accepter faire quelque chose de déshonorant en échange d'une contrepartie quelconque. Tout au contraire, la banalisation de la notion d'honneur amène à considérer une conduite, un comportement honorable, même lorsqu'il se réalise hors du champ traditionnel de l'honneur, ou qu'il se réalise dans l'abstention (voir ci-dessous).
Vertu d'une femme en rapport avec ses mœurs, la perte de sa virginité ou des relations en dehors du mariage, même consenties : ravir son honneur signifie la violer et lui avoir fait perdre sa qualité de jeune fille honorable, même si cette dernière était complice ; rendre l'honneur à une femme signifie l'épouser pour réparer l'offense, avant que ne soit connue l'éventuelle perspective d'enfantement. Aujourd'hui une telle réaction perdure en France dans certaines couches de la société, dès lors qu'un heureux événement s'annonce. Défendre jalousement son honneur signifie protéger sa vertu. Dans certaines sociétés traditionnelles, les atteintes à la vertu d'une femme peuvent provoquer des crimes d'honneur à l'encontre de celle-ci et (ou) de l'homme ayant porté atteinte à son honneur, ayant enfreint le code d'honneur de ladite société.
Formules de politesse plus ou moins convenues et solennelles : J'ai l'honneur de..., Faire honneur à..., Votre honneur (lorsque l'on s'adresse à un juge anglo-saxon).
Certaines figures de cartes à jouer, les plus hautes, à certains jeux : les honneurs au bridge (et au Whist dont il dérive), sont As, Roi, Dame, Valet et, comme dans la noblesse qu'ils incarnent, un petit parvenu récemment anobli, le 10 dans le Bridge moderne. Au Mhing dérivé du Mah-Jong, les honneurs sont les vents et les dragons.
De manière dérivée (honorable) :
Caractère acceptable, mais plus banal, d'un individu, d'un comportement ou d'un résultat : ce comportement est honorable (digne ou seulement, il s'est bien acquitté d'une tache, il s'en est tiré honorablement, cette tâche est à son honneur...). Cela peut se réaliser dans l'action, dans le comportement et la conduite, voire dans l'abnégation ou l'abstention (ne pas s'abaisser, se déshonorer à faire telle chose, avoir le courage de ne pas réagir, ou de supporter, etc). Cela peut se projeter sur la banalisation des critères de la réputation ; cette personne est honorable (bonne réputation ou seulement, ne fait pas parler d'elle, ne pose pas de problème, est bien intégrée). On qualifie aussi un résultat ou une défaite d'honorable, notamment lorsque l'on pouvait craindre un moins bon résultat (sauver l'honneur).
Prise en compte de l'honneur par le système juridique français
L'atteinte à l'honneur d'une femme, au sens décrit plus haut, se retrouve aujourd'hui dans les notions juridiques de viol ou de harcèlement sexuel, donc seulement lorsque l'atteinte est subie, et se résout par une peine correctionnelle ou criminelle en matière pénale. En cette matière, il est moins question d'honneur aujourd'hui que d'atteinte à la dignité et à l'intégrité de la femme, ou d'un homme, bien que ce sentiment d'atteinte à l'honneur perdure culturellement dans l'entourage familial de certaines victimes féminines.
Le duel était de coutume pour laver son honneur après tout comportement jugé comme un affront
L'atteinte à la réputation d'une personne se résolvait par le passé par le duel qui, interdit sous Louis XIII, continua en pratique jusqu'au début du XXe siècle, « comme supplément obligé des lois qui ne connaissent pas des offenses à l'honneur » dira Chateaubriand3. Cependant, afin de ne pas encourir de peine criminelle, il s'achevait généralement dès la première goutte de sang versée. La prise en compte de cette atteinte à la réputation se retrouve aujourd'hui dans la notion juridique de diffamation et se résout par l'octroi de dommages-intérêts en matière civile. S'agissant des diffamations dans les médias, la procédure amiable du droit de réponse, si elle est suivie d'effet, peut cependant suffire, au gré du diffamé.
La vendetta, c'est-à-dire le fait de se faire justice soi-même notamment pour venger une offense à l'honneur ou une dette d'honneur (meurtre, atteintes physiques ou patrimoniales) est courant dans les populations ayant gardé une tradition culturelle forte et extensive de l'honneur, à laquelle le droit ne répond pas (ou pas assez). Par exemple, en Afghanistan où un père ne saurait se soustraire à sa parole de donner sa fille à marier4. Toutefois, dans les sociétés modernes (pays occidentaux notamment), les actes auxquels cette vengeance donne lieu sont sanctionnés à hauteur de l'infraction commise, généralement sans considération pour le motif, selon, sur le plan pénal ou sur le plan civil (atteintes patrimoniales et dommages-intérêts).
La déclaration sur l'honneur est aujourd'hui admise comme suffisante dans un certain nombre de procédures administratives (déclaration de concubinage, déclaration de situation aux organismes sociaux ou assurances, publication des bans, etc.) et se retrouve, en quelque sorte, devant un tribunal lorsque l'on y prête serment.
L'atteinte à l'honneur national a fait, ou fait encore parfois l'objet d'une incrimination pénale (Andorre, Bulgarie, Espagne, Italie) 5 mais c'est généralement à travers l'atteinte aux symboles nationaux (drapeau, Chef de l’État, hymne national, etc.) que cette notion est appréhendée par le droit, comme c'est le cas en France. En droit international, hormis les agressions caractérisées, les actes et les déclarations qui peuvent être considérées comme une atteinte à l'honneur national ne font plus l'objet d'un état de belligérance, comme par le passé. Aujourd'hui, elles se résolvent sur le terrain diplomatique et se traduisent par une demande d'excuses ou, à défaut, par diverses mesures de rétorsion (rappel d'ambassadeur, ou au contraire expulsion de diplomates étrangers, sanctions économiques, etc.).
L'octroi de la Légion d'honneur fait l'objet d'un décret du Président de la République. Cette décoration a la préséance sur toutes les autres. Elle donne le droit, à la descendance féminine du titulaire (jusqu'au troisième degré), de bénéficier d'une scolarité à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur. La radiation de l'Ordre peut intervenir en cas d'atteinte à l'honneur ou à la dignité. Elle est automatique, parce que considérée comme telle, en cas de déchéance de la nationalité française ou de condamnation à une peine d'emprisonnement d'un an ou plus, pour crime 6. Cas de Maurice Papon qui, bien que s'étant vu retirer cette décoration, a été enterré avec celle-ci 7.
Un enfant, selon le Code civil, « doit honneur et respect à ses pères et mères ». Notre Code civil reprend ainsi l'un des dix commandements judéo-chrétiens. Ledit code précise que cette obligation pèse sur l'enfant « à tout âge »8. Toutefois, en pratique, ce n'est que d'une manière indirecte qu'est sanctionnée cette obligation à l'honneur, notamment, par l'obligation pesant sur les enfants de prendre en charge les obsèques de leurs parents, même en cas de refus de la succession de ces derniers ; la déclinaison la plus concrète de l'obligation d'honorer ses parents étant formalisée dans un autre article du Code civil relatif à l'obligation alimentaire due aux ascendants par les enfants 9. Les enfants sont donc invités, en quelque sorte, à mettre un point d'honneur à assurer à leur parents la réciprocité des obligations d'entretien et d'éducation qui pesaient sur leurs ascendants à leur profit 10.
Différents corps d'agents publics et d'auxiliaires de justice doivent répondre de leurs manquements à l'honneur (entre autres). Ainsi les avocats s'exposent à des sanctions disciplinaires (par exemple une suspension), selon le code disciplinaire et la déontologie qui régissent leur profession 11. Tel est aussi le cas des magistrats qui manquent à l'honneur de leur charge ou à l'honneur de la justice 12. De même que pour tout agent public dont les manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur peuvent être constitutifs d'une faute professionnelle[réf. nécessaire].
Maurice Cusson fait de l'honneur le motif essentiel de l'homicide13. Il établit ainsi un lien entre la perte du sens de l'honneur au long de l'histoire et la baisse du taux d'homicide14.
La notion d'honneur
Il s'agit à la fois d'une notion sociologique et culturelle, contingente :
de la sensibilité individuelle et/ou collective (familiale ou sociétale) ;
de la morale et des mœurs d'une époque donnée ;
des circonstances.
Les origines viriles de l'honneur
Les origines de l'honneur relient cette notion à la victoire sur le champ de bataille[réf. nécessaire].
Durant l'antiquité, la défaite était cruelle et le vainqueur pouvait humilier l'adversaire. « Vae Victis ! » 15. Les vaincus, en perdant le contrôle sur leur destin, perdaient, avec tous leur biens y compris les plus précieux, leur honneur dans l'humiliation. Au besoin, le suicide permettait d'échapper à l'ennemi et au déshonneur. Cassius et Brutus se suicidèrent après leurs défaites contre les triumvirs. Dans la société romaine, le pouvoir sur les choses et les gens était exercés par les hommes. Aussi l'honneur, associé au pouvoir sur soi et ses dépendants, épouse, enfants, esclaves, est-il, comme la vertu (de vir, homme), une qualité virile. Cependant, une femme exerçant le pouvoir, la reine d'Égypte, Cléopâtre, préfère-t-elle aussi, dans des circonstances semblables, mourir plutôt que d'être exhibée comme vaincue dans le triomphe d'Auguste.
Au Moyen Âge, les chevaliers se souciaient plus de l'honneur de leur lignée que du sort de la bataille, c'est-à-dire de se comporter avec bravoure et panache que de se comporter de manière efficiente 16.
À l'époque moderne, l'honneur reste attaché au devoir patriotique et au sacrifice pour la nation qui seront exaltés pour soutenir l'effort de guerre lors des grands conflits.
L'honneur est d'abord une valeur collective. Il s'attache à la lignée, à la tribu, à la nation. Ainsi, l'honneur perdu d'une femme, c'est-à-dire le fait pour elle d'avoir des relations sexuelles avec un homme qui n'y a pas été intégré (ou à la lignée duquel elle n'a pas été intégrée) est d'abord celui de la lignée. Celle-ci repose sur l'idée que les hommes se perpétuent par le sang dans des femmes, considérées à peu près comme un vase où se développe la semence. Pour que la lignée se poursuive, il faut que la filiation ne puisse être mise en doute[réf. nécessaire]. La virginité d'une femme, sa sexualité ne lui appartiennent pas. C'est un mécanisme de clan, une affaire familiale. C'est l'honneur de la famille, au premier rang duquel se trouve le père, puis le mari, que de protéger la femme de toutes relations hors cadre ou de toutes tentations. Aujourd'hui encore, bien que sous une forme souvent atténuée, se perpétue cette idée que la famille est éclaboussée par la conduite d'une femme, comme elle l'est d'ailleurs par celle des hommes qui manquent à la probité, à la parole donnée, et par ses membres affligés d'une difformité physique, et qu'elle doit donc se plier à certains codes comportementaux et vestimentaires dans ses relations avec les hommes, à peine de mettre en cause l'honneur de son clan[réf. nécessaire].
Ces aspects guerriers et claniques expliquent en partie la survivance de certains codes d'honneur, notamment au nord ou au sud de la Méditerranée, chez des peuples repliés sur leurs valeurs familiales, leur territoire et leur tradition de résistance face aux invasions multiples qu'ils ont connues. On pense à la vendetta, à l'omertà et au machisme qui caractérisent le code d'honneur en Sicile et en Corse, ou le Kanoun très stricte en Albanie et en Kabylie. Mais ces origines guerrières, qui permettaient d'obtenir un fief, une ville, un territoire, et donc un titre, que l'on transmettait à sa descendance avec les valeurs viriles qui en étaient la source, expliquent aussi qu'en Occident, l'honneur fut d’abord associé au fait d'être bien né (sous-entendu, issu de cette noblesse guerrière) et d’être ainsi capable, dans l'action, d'une grandeur pouvant dépasser les exigences du strict devoir ou de la stricte utilité. C'est ce qui a fondé les valeurs de la noblesse patriarcale (toutes origines progressivement confondues) pendant quelques siècles.
L'honneur dans la littérature
Platon souligne que le Thumos (l'une des trois parties de l'âme) « est en réalité le siège du courage, du sentiment de dignité, de fierté, d'honneur ».
Rabelais donne dans Gargantua (1532) une définition de l'honneur : « Les gens libères, bien néz, bien instruictz, conversans en compaignies honnestes, ont par nature un instinct et aiguillon qui tousjours les poulse à faictz vertueux et retire de vice, lequel ils nommoient honneur. » (Gargantua, LVII.)
William Shakespeare fait dire à Falstaff dans sa pièce Henry IV (première partie) que « l'honneur peut-il remettre un jambe? Non. Un bras? Non. M'ôter la douleur d'une blessure? Non. Qu'est-ce que l'honneur? un mot. Et qu'est-ce que ce mot, l'honneur? Ce qu'est l'honneur : du vent. Un joli appoint vraiment ! Et à qui profite-t-il? Celui qui mourut mercredi, le sent-il? Non. L'entend-il? Non. L'honneur est donc une chose insensible? Oui, pour les morts. Mais ne saurait-il vivre avec les vivants? Non. Pourquoi? C'est que la médisance ne souffrira jamais. A ce compte, je ne veux point d'honneur, l'honneur est un pur écusson funèbre : et ainsi finit mon catéchisme »
Jean de La Fontaine illustre dans sa fable Le Lièvre et la Tortue comment l'honneur peut être dévoyé par l'orgueil ; « Elle [la Tortue] se hâte avec lenteur, Lui cependant méprise une telle victoire, Tient la gageure à peu de gloire, Croit qu'il y va de son honneur, De partir tard ».
Montesquieu voit dans l'honneur, le ressort « qui borne la puissance » dans les États monarchistes et modérés. L'honneur « règne, comme un monarque, sur le prince et le petit peuple ». (De l’esprit des lois, III, X.).
Voltaire souligne que l'honneur ne serait pas seulement l'affaire des honnêtes gens : « Je conçois bien qu'un scélérat, associé à d'autres scélérats, cèle d'abord ses complices ; les brigands s'en font un point d'honneur ; car il y a ce que l'on appelle de l'honneur jusque dans le crime. » (Dissertation sur la mort d'Henri IV.)
Chamfort évoque ironiquement l'évolution moderne de la notion d'honneur : « Pour ne parler que de morale, on sent combien ce mot, l'honneur, renferme d'idées complexes et métaphysiques. Notre siècle en a senti les inconvénients ; et, pour ramener tout au simple, pour prévenir tout abus de mots, il a établi que l'honneur restait dans son intégrité à tout homme qui n'avait point été repris de justice. » (Maximes et Pensées, Philosophie et morale, XLII.)
Arthur Schopenhauer aborde assez longuement la notion d'honneur dans son ouvrage Aphorismes sur la sagesse dans la vie (chap. 4) : « L’honneur est, objectivement, l’opinion qu’ont les autres de notre valeur, et, subjectivement, la crainte que nous inspire cette opinion. En cette dernière qualité, il a souvent une action très salutaire, quoique nullement fondée en morale pure, sur l’homme d’honneur. […] L’honneur a, dans un certain sens, un caractère négatif, par opposition à la gloire dont le caractère est positif, car l’honneur n’est pas cette opinion qui porte sur certaines qualités spéciales, n’appartenant qu’à un seul individu ; mais c’est celle qui porte sur des qualités d’ordinaire présupposées, que cet individu est tenu de posséder également. L’honneur se contente donc d’attester que ce sujet ne fait pas exception, tant que la gloire affirme qu’il en est une. La gloire doit donc s’acquérir ; l’honneur au contraire n’a besoin que de ne pas se perdre 17. »
Simone Weil décrit l'honneur comme un moteur de l'âme : « L'honneur est un besoin vital de l'âme humaine. Le respect dû à chaque être humain comme tel, même s'il est effectivement accordé, ne suffit pas à satisfaire ce besoin ; car il est identique pour tous et immuable ; au lieu que l'honneur a rapport à un être humain considéré, non pas simplement comme tel, mais dans son entourage social. Ce besoin est pleinement satisfait, si chacune des collectivités dont un être humain est membre lui offre une part à une tradition de grandeur enfermée dans son passé et publiquement reconnue au-dehors. » (L'Enracinement.)
Bibliographie
Marie Gautheron, L'honneur. Image de soi ou don de soi : un idéal équivoque, Collection Morales, Autrement (Paris),1991, 231 p. (ISBN 2-86260-316-3)
Marie-Luce Gélard, Le pilier de la tente. Rituels et représentations de l’honneur chez les Aït Khebbach (Tafilalt), Paris, Maison des sciences de l’homme, 2003
Philippe d'Iribarne, La logique de l'honneur. Gestion des entreprises et traditions nationales, Collection Essais, Poche, 1993
Pierre Lafargue, L'honneur se porte moins bien que la livrée, William Blake & Co. Edit, 1994
Florence Weber, L'honneur des jardiniers. Les potagers dans la France du XXe siècle, Belin, coll. « socio-histoire », Paris, 1998, 287 p.
Notes et références
↑ Hobbes, Léviathan (1651), ch. X.
↑ Trésor de la langue française, article « Honneur ».
↑ Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p 280
↑ Tel ce vieux père qui en échange d'avoir reçu une jeune fille comme épouse lors de son veuvage a promis dès qu'elle avait 5 ans de donner sa fille à marier en échange. L'ONG, aidée des autorités locales, ne réussira pas à faire changer d'avis le père menacé de mort s'il ne rembourse pas sa dette d'honneur, et qui se sent déshonoré que d'autres s'occupent de cette histoire qui obligera l'enfant à quitter l'école (Nassima, une vie confisquée, Envoyé spécial, France 2, 31 décembre 2008)
↑ Art. 79 du Code Pénal d'Andorre ; art. 88 du Code Pénal 1951 de Bulgarie ; art. 5 du Code Pénal d'Espagne ; art. 291 du Code Pénal 1930 d'Italie
↑ Articles R90 et R91 du Règlement de l'Ordre national de la Légion d'honneur
↑ À cet égard, les autorités publiques ont laissé se dérouler la cérémonie selon les vœux des partisans du défunt [1] [archive]
↑ Article 371 du Code civil français
↑ Article 205 du Code civil français
↑ Article 371-2 du Code civil français
↑ Article 138 du décret du 27 novembre 1991 qui vient en complément des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 (art. 3)
↑ Article 43 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958
↑ Maurice Cusson, Les homicides - Criminologie historique de la violence et de la non-violence, Éditions Hurtubise inc., 2015, 256 p.
↑ Laurent Lemasson, « Tu ne tueras point », Revue française de criminologie et de droit pénal, vol. 5, octobre 2015 (lire en ligne [archive])
↑ Tite-Live V, 48
↑ À la bataille de Waterloo, alors que la situation était désespérée, le Maréchal Ney repartit à l'attaque, à pied, en s'écriant : « Venez voir comment meurt un maréchal de France ! ». Et, effectivement, tous les témoins dirent qu'il cherchait la mort, mais que la mort ne voulut pas de lui.
↑ Arthur Schopenhauer (trad. J.-A. Cantacuzène), Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, 1880 (lire sur Wikisource) p. 78 et 82.
Articles connexes
Crime d'honneur
Culture de l'honneur
Honorariat [Lequel ?]
Bras d'honneur
Doigt d'honneur
Droit à l'honneur
Liens externes
Différentes définitions de l'honneur selon l'Ordre des Templiers [2] [archive]
L'honneur et la chose honorable. Bulletin réflexif ; Institut québécois d'éthique appliquée ; [3] [archive]
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