Cassini-Huygens est une mission d'exploration spatiale de la planète Saturne et ses lunes par une sonde spatiale développée par l'agence spatiale américaine de la NASA avec des participations importantes de l'Agence spatiale européenne (ESA) et de l'Agence spatiale italienne (ASI). Lancé en octobre 1997 l'engin s'est placé en orbite autour de Saturne en 2004. En 2005 l'atterrisseur européen Huygens après s'être détaché de la sonde mère s'est posé à la surface de la lune Titan et a pu retransmettre des informations collectées durant la descente et après son atterrissage. L'orbiteur Cassini orbite depuis autour de Saturne et poursuit l'étude scientifique de la planète géante en profitant de ses passages à faible distance de ses satellites pour collecter des données détaillées sur ceux-ci. La mission d'une durée initiale de 4 ans a été prolongée à deux reprises : de 2008 à 2010 (Equinox mission) et de 2010 à 2017 (Solstice Mission). Il est prévu que la sonde spatiale s'écrase sur la planète Saturne à l'issue de cette dernière phase.
Le principe d'une mission d'étude du système de Saturne émerge en 1982 à la fois dans les communautés scientifiques américaine et européenne. Après avoir travaillé sur des projets séparés, la NASA et l'Agence spatiale européenne lancent à la fin des années 1980 le développement d'une mission conjointe : la NASA développe l'orbiteur et l'ESA l'atterrisseur qui doit se poser sur Titan. Le projet frôle à plusieurs reprises l'annulation à la suite des difficultés budgétaires de la NASA. Des mouvements écologistes tentent d'interdire le lancement de la sonde spatiale à cause du plutonium embarqué pour alimenter en énergie la sonde spatiale. Finalement la sonde spatiale est lancée le 15 octobre 1997 par un lanceur lourd Titan IV-B.
Cassini-Huygens est une mission particulièrement ambitieuse et coûteuse (3,26 milliards $) rattachée à ce titre au programme Flagship de la NASA. Avec une masse totale de 5,6 tonnes (dont 3,1 tonnes de carburant et 350 kg pour l'atterrisseur Huygens) il s'agit du plus gros engin spatial lancé vers les planètes externes. L'orbiteur Cassini embarque 12 instruments scientifiques dont un radar tandis que Huygens en emporte six. Cassini est stabilisé selon trois axes et son énergie est fournie par trois générateurs thermoélectriques à radioisotope utilisant du plutonium.
La mission Cassini-Huygens a rempli tous ses objectifs scientifiques en fournissant une moisson de données sur Saturne, sa magnétosphère, ses anneaux, Titan et les autres lunes de la planète géante. Les caméras de l'orbiteur ont également fourni certaines des plus belles images du système solaire. Cassini a notamment permis d'obtenir les premières images détaillées de Phœbé, d'analyser en détail la structure des anneaux de Saturne, d'étudier Titan de manière approfondie et de découvrir une dizaine de nouvelles lunes de Saturne de petite taille (moins de 10 km), portant le nombre total de satellites saturniens à 62 (nombre connu au 1ermai 2014). La sonde a permis également de découvrir de nouveaux anneaux de Saturne.
Contexte[modifier | modifier le code]
Saturne en vraies couleurs avec les lunes Tethys, Dione et Rhea photographiée par Voyager 2.
Les précurseurs : Pioneer 11 et les sondes Voyager[modifier | modifier le code]
Les premiers projets américains d'exploration de Saturne et de son système (anneaux et lunes) par une sonde spatiale qui se placerait en orbite autour de la planète géante remontent aux débuts des années 1970. À cette époque Pioneer 11 est en route pour le premier survol de Saturne et les sondes du programme Voyager qui doivent suivre sa trace sont en cours de développement. En 1973, le Centre de recherche Ames de la NASA planche sur une mission vers Saturne réutilisant les technologies développées pour Pioneer Venus et la future sonde Galileo. En 1975, les autorités scientifiquesN 1 recommandent l'envoi d'une sonde consacrée à l'étude de Saturne, ses anneaux et ses lunes, notamment Titan. Les observations depuis la Terre de cette lune, la deuxième du système solaire par la taille après Ganymède, ont permis de détecter la présence d'une atmosphère dans laquelle se trouvent des traces de méthane et sans doute d'hydrocarbures complexes, qui la font ressembler à la Terre primitive. Le centre Ames commande une étude pour un engin d'exploration de Titan. Plusieurs types d'engins spatiaux sont envisagés, car on sait peu de choses des caractéristiques de l'atmosphère, et en particulier de sa densité. En 1976, le centre JPL de la NASA envisage, dans le cadre de son programme Purple Pigeons, l'envoi simultané d'un engin qui doit se poser en douceur à la surface de Titan, et d'une sonde qui doit se mettre en orbite autour de Saturne, préfiguration de la mission Cassini Huygens. Cet ensemble doit être lancé depuis la Navette spatiale américaine avec un étage Centaur chargé de lui donner l'impulsion lui permettant d'atteindre la planète Saturne. Pour la conception de l'atterrisseur, on part de l'hypothèse que l'atmosphère de Titan a une densité comprise entre 20 et 100 % de l'atmosphère terrestre, et on envisage un atterrissage à la surface de lacs d'hydrocarbures. Les résultats des survols du système de Saturne par Voyager 1 (1980) et Voyager 2 (1981) augmentent l'intérêt d'une mission dédiée à l'exploration de la planète géante. En ce qui concerne Titan, un des principaux objectifs du programme Voyager, les informations recueillies sont limitées, car la surface de la lune est entièrement masquée par une épaisse couche de nuages. Seul un radar ou un atterrisseur pourraient percer cet obstacle. Par ailleurs le survol du système saturnien par les sondes Voyager s'est fait à grande vitesse (30 km/s). Dans ces conditions, le recueil des données a été limité par la durée du survol, soit une quinzaine de jours, et a été limité par la trajectoire suivie. La NASA étudie dans ce contexte le lancement d'une sonde spatiale dérivée de Galileo, et emportant deux engins chargés d'étudier les atmosphères de Saturne et Titan1.
Genèse du projet (1980-1989)[modifier | modifier le code]
Vue d'artiste de la sonde “Saturn Orbiter/Titan Probe” (SOTP) étudiée en 1988
Au début des années 1980, Daniel Gautier, de l'Observatoire de Meudon, et Wing-Huan Ip, de l'institut Max Planck (Allemagne), suggèrent de développer un partenariat entre l'Europe et les États-Unis pour l'exploration de Saturne, en reprenant le modèle de la mission germano-américaine Galileo. Avec 27 autres chercheurs européens, les deux hommes proposent en 1982 un projet qu'ils baptisent Cassini, en réponse à un appel à candidatures de l'Agence spatiale européenne. L'Europe doit développer l'orbiteur, tandis que la NASA est chargée de la mise au point de l'atterrisseur, car elle seule dispose de l'expertise nécessaire. Des contacts sont pris avec les chercheurs américains, par l'intermédiaire de Tobias Owen de l'université de Hawaï. À la même époque, le rapport du Comité d'exploration du système solaire de la NASA (Solar System Exploration Committee), qui fixe les objectifs de la NASA pour la décennie à venir, recommande le développement de quatre missions : Venus Radar Mapper, Mars Geoscience/Climatology Orbiter, Comet RendezVous/Asteroid Flyby (CRAF) et un orbiteur chargé d'étudier Saturne. La même année, la Fondation européenne de la science et la National Academy of Sciences américaine créent ensemble, en 1982, un groupe de travail pour définir des projets communs d'exploration du système solaire. Ce groupe recommande le développement d'une mission d'exploration du système de Saturne comportant à la fois un orbiteur et un atterrisseur, reprenant ainsi la proposition Cassini. L'orbiteur doit réutiliser la plateforme très sophistiquée en cours de développement pour la sonde Galileo, qui permet l'emport d'un atterrisseur et la collecte de nombreuses informations scientifiques. Il est prévu que l'ESA développe l'atterrisseur, tandis que la NASA fournit l'orbiteur. Dans ses études, la NASA choisit toutefois, pour des raisons de coût, de développer une plateforme plus simple, baptisée Mariner Mark II, dérivée des engins du programme Mariner. Il est prévu que celle-ci soit d'abord mise en œuvre par la mission CRAF, puis par la mission lancée vers Saturne. La prise de décision est toutefois repoussée à la fin de la décennie. De 1984 à 1985 la NASA et l'ESA mènent des études techniques de faisabilité sur le projet. En 1986, le rapport décennal d'exploration du système solaire, publié par les instances académiques américaines (National Academy of Sciences), place en tête des priorités l'exploration de Saturne et de son système. L'ESA continuait seule les études sur le projet en 1986, alors qu'en 1987, l'astronaute Sally Ride défend l'idée d'un projet commun entre la NASA et l'ESA, dans un rapport rendu sur le sujet2.
L'agence spatiale européenne est la première à franchir le pas, en sélectionnant le 25 novembre 1988, dans le cadre de son programme scientifique Horizon 2000, l'atterrisseur Huygens, chargé de se poser sur Titan, parmi quatre propositions. La NASA inclut la même année, dans son budget, un projet groupant l'orbiteur Cassini et la sonde spatiale CRAFT, qui utilisent la même plateforme, mais n'obtient un feu vert financier qu'en novembre 1989, avec un budget inférieur à sa demande. Selon les premiers plans, la mission devait être lancée initialement en 1994, par la Navette spatiale américaine. Mais à la suite de l'accident de la navette Challenger, qui interdit l'emport de l'étage Centaur G, il faut se rabattre sur le lanceur militaire Titan IV. Trois fenêtres de lancement, en décembre 1995, avril 1996 et 1997N 2 sont identifiées, et celle de 1996 est retenue. Il est prévu que la sonde spatiale ait recours à l'assistance gravitationnelle de Vénus, la Terre et Jupiter, qu'elle effectue un survol à faible distance de l'astéroïde (66) Maja, et qu'elle arrive dans le système de Saturne en 2002. La charge utile est sélectionnée simultanément en septembre 1990, par les deux agences spatiales. Il est établi que les opérations de l'orbiteur Cassini soient contrôlées par le centre JPL de la NASA, tandis que Huygens doit être piloté depuis le centre de l'ESA, situé à Darmstadt. Le bus Mariner Mark II, utilisé par l'orbiteur Cassini, doit comporter un module orientable, permettant de pointer les instruments de télédétection, et un deuxième module en rotation constante, pour les instruments de mesure des champs et des particules3.
Conception et construction de la sonde spatiale (1990-1997)[modifier | modifier le code]
Une première modification des plans initiaux est apportée en 1991: le lancement est avancé en 1995. La sonde spatiale, durant son transit, doit utiliser l'assistance gravitationnelle à deux reprises (Vénus puis la Terre) et survoler l'astéroïde [302) Clarissa. Mais ces plans sont rapidement bouleversés par les coupures budgétaires que subit la NASA, qui repoussent le lancement à 1997. Quelques mois plus tard, le développement de la mission jumelle CRAFT mené conjointement par la NASA et l'agence spatiale allemande est annulé, pour permettre au projet Cassini de survivre. Mais le développement de la plateforme commune Mariner Mark II, qui ne se justifie plus dans ce nouveau contexte, ne survit pas à cette annulation. En 1992, pour faire face à l'escalade des coûts du projet, le concept des modules scientifiques orientables est abandonné, et l'antenne grand gain est rendue fixe, ce qui permet d'économiser 250 millions $, au prix d'une sérieuse dégradation des capacités de la sonde spatiale. Celle-ci ne peut plus, à la fois, recueillir des données scientifiques et les transmettre en temps réel vers la Terre. Dans la nouvelle configuration, le transfert de données, comme l'utilisation de certains instruments, nécessite la réorientation de la sonde spatiale toute entière. La vitesse de rotation de l'orbiteur étant 18 fois plus faible que celle envisagée pour les modules orientables, ces changements réduisent fortement la souplesse opérationnelle de Cassini. Pour étaler les coûts, la sonde doit être lancée avec des logiciels incomplets, dont le développement doit se poursuivre durant le voyage vers Saturne. Dans ces conditions, il n'est plus prévu d'effectuer de survol d'astéroïde durant le transit. Pour réduire encore les coûts, un accord est conclu entre la NASA et l'Agence spatiale italienne (l'ASI) pour que cette dernière prenne en charge le développement d'une partie du système de télécommunications, du radar et du spectromètre en lumière visible et infrarouge de l'orbiteur. En 1994 la NASA, de nouveau placée sous la pression budgétaire, envisage l'annulation du projet. L'administrateur de la NASA, Daniel Goldin, vient de lancer son programme de missions interplanétaires à bas coût, avec le slogan Better, Cheaper, FasterN 3 qu'il oppose à l'approche des missions complexes, coûteuses et à développement lent, dont CassiniN 4 lui semble un parfait représentant. L'ESA, qui a déjà investi beaucoup d'argent dans le projet, adresse directement une lettre, par l'intermédiaire de son directeur Jean-Marie Luton, au vice-président des États-Unis Al Gore, pour l'alerter sur les risques que comporteraient l'annulation de Cassini pour les projets scientifiques conjoints entre l'Europe et les États-Unis, en soulignant une fois de plus le manque de fiabilité du partenaire américain. Cette pression exercée par l'agence spatiale européenne contribue à repousser l'annulation cette année-là, ainsi qu'une nouvelle tentative du Congrès en 1995. D'autres mesures d'économie sont prises : l'antenne dédiée qui devait être utilisée par l'orbiteur pour relayer les émissions radio de Huygens est abandonnée, et les pièces détachées du programme Voyager fournissent la caméra grand angle. A contrario, comme la production du type de plutonium utilisée par les RTG avait été abandonnée faute d'application civile, il faut relancer à grands frais la chaîne de fabrication pour fournir le combustible nécessaire à la mission4.
Finalement, le budget total de la mission est évalué à 3,27 milliards de dollars américains. La contribution de la NASA est de 2,6 milliards, tandis que l'ESA participe à hauteur de 500 millions et l'ASI pour 160 millions. Le coût de la mission se ventile de la manière suivante5 :
1,422 milliard pour le développement de l'orbiteur Cassini et de l'atterrisseur Huygens ;
710 millions pour la mission en elle-même ;
422 millions pour le lanceur Titan IV et les opérations de lancement ;
54 millions pour les opérations de télécommunications prises en charge par le réseau d'antennes de la NASA Deep Space Network
La sonde spatiale porte le nom de deux astronomes ayant joué un rôle majeur dans l'étude du système de Saturne : Giovanni Domenico Cassini, astronome français, né dans le comté de Nice (état de Savoie), du xviie siècle, qui a découvert 4 satellites et la division de l'anneau de Saturne qui porte son nom, et Christian Huygens, astronome néerlandais du même siècle, qui a découvert Titan6.
Polémique sur les RTG[modifier | modifier le code]
Le générateur thermoélectrique à radio-isotope (RTG), la source d'énergie de Cassini
Comme la sonde évolue très loin du Soleil, il n'était pas envisageable d'utiliser des panneaux solaires pour fournir l'énergie nécessaire à la sonde7. C'est pourquoi elle embarque trois GPHS-RTG : ces modèles de générateur thermoélectrique à radioisotope produisent de l'électricité directement à partir de la chaleur produite par la désintégration naturelle du plutonium 238. Les RTG ont une durée de vie qui dépasse de beaucoup les 11 ans de la mission. La sonde Cassini-Huygens embarque 32,8 kg de plutonium (essentiellement du 238Pu, très radioactif), ce qui a provoqué une controverse avec des écologistes, des physiciens et d'anciens membres de la NASA. Concernant les risques de contamination, les estimations officielles étaient les suivantes : la probabilité d'une fuite de plutonium durant les trois premières minutes et demie était de 1 sur 1 400, d'une fuite durant la montée de la fusée de 1 sur 476, de contamination terrestre ultérieure inférieure à 1 sur un million, avec un risque de 120 morts sur 50 ans si un tel événement se produisait. De nombreux observateurs donnaient d'autres estimations. Par exemple, le physicien Michio Kaku prévoyait 200 000 morts si le plutonium contaminait une zone urbanisée, à cause de la dispersion atmosphérique, même si la trajectoire de lancement avait été prévue de manière à passer loin des grandes métropoles et si le RTG est conçu de manière à diminuer les risques de dispersion du plutonium en cas de défaillance du lanceur. De même, un risque supplémentaire provenait du second passage à proximité de la Terre le 18 août 1999. La NASA a publié des informations se voulant exhaustives et rassurantes quant aux risques liés au générateur RTG8.
RAPPORT DE
LA MISSION:
Giovanni Domenico Cassini
Le principe d'une mission d'étude du système de Saturne émerge en 1982 à la fois dans les communautés scientifiques américaine et européenne. Après avoir travaillé sur des projets séparés, la NASA et l'Agence spatiale européenne lancent à la fin des années 1980 le développement d'une mission conjointe : la NASA développe l'orbiteur et l'ESA l'atterrisseur qui doit se poser sur Titan. Le projet frôle à plusieurs reprises l'annulation à la suite des difficultés budgétaires de la NASA. Des mouvements écologistes tentent d'interdire le lancement de la sonde spatiale à cause du plutonium embarqué pour alimenter en énergie la sonde spatiale. Finalement la sonde spatiale est lancée le 15 octobre 1997 par un lanceur lourd Titan IV-B.
Cassini-Huygens est une mission particulièrement ambitieuse et coûteuse (3,26 milliards $) rattachée à ce titre au programme Flagship de la NASA. Avec une masse totale de 5,6 tonnes (dont 3,1 tonnes de carburant et 350 kg pour l'atterrisseur Huygens) il s'agit du plus gros engin spatial lancé vers les planètes externes. L'orbiteur Cassini embarque 12 instruments scientifiques dont un radar tandis que Huygens en emporte six. Cassini est stabilisé selon trois axes et son énergie est fournie par trois générateurs thermoélectriques à radioisotope utilisant du plutonium.
La mission Cassini-Huygens a rempli tous ses objectifs scientifiques en fournissant une moisson de données sur Saturne, sa magnétosphère, ses anneaux, Titan et les autres lunes de la planète géante. Les caméras de l'orbiteur ont également fourni certaines des plus belles images du système solaire. Cassini a notamment permis d'obtenir les premières images détaillées de Phœbé, d'analyser en détail la structure des anneaux de Saturne, d'étudier Titan de manière approfondie et de découvrir une dizaine de nouvelles lunes de Saturne de petite taille (moins de 10 km), portant le nombre total de satellites saturniens à 62 (nombre connu au 1ermai 2014). La sonde a permis également de découvrir de nouveaux anneaux de Saturne.
Contexte[modifier | modifier le code]
Saturne en vraies couleurs avec les lunes Tethys, Dione et Rhea photographiée par Voyager 2.
Les précurseurs : Pioneer 11 et les sondes Voyager[modifier | modifier le code]
Les premiers projets américains d'exploration de Saturne et de son système (anneaux et lunes) par une sonde spatiale qui se placerait en orbite autour de la planète géante remontent aux débuts des années 1970. À cette époque Pioneer 11 est en route pour le premier survol de Saturne et les sondes du programme Voyager qui doivent suivre sa trace sont en cours de développement. En 1973, le Centre de recherche Ames de la NASA planche sur une mission vers Saturne réutilisant les technologies développées pour Pioneer Venus et la future sonde Galileo. En 1975, les autorités scientifiquesN 1 recommandent l'envoi d'une sonde consacrée à l'étude de Saturne, ses anneaux et ses lunes, notamment Titan. Les observations depuis la Terre de cette lune, la deuxième du système solaire par la taille après Ganymède, ont permis de détecter la présence d'une atmosphère dans laquelle se trouvent des traces de méthane et sans doute d'hydrocarbures complexes, qui la font ressembler à la Terre primitive. Le centre Ames commande une étude pour un engin d'exploration de Titan. Plusieurs types d'engins spatiaux sont envisagés, car on sait peu de choses des caractéristiques de l'atmosphère, et en particulier de sa densité. En 1976, le centre JPL de la NASA envisage, dans le cadre de son programme Purple Pigeons, l'envoi simultané d'un engin qui doit se poser en douceur à la surface de Titan, et d'une sonde qui doit se mettre en orbite autour de Saturne, préfiguration de la mission Cassini Huygens. Cet ensemble doit être lancé depuis la Navette spatiale américaine avec un étage Centaur chargé de lui donner l'impulsion lui permettant d'atteindre la planète Saturne. Pour la conception de l'atterrisseur, on part de l'hypothèse que l'atmosphère de Titan a une densité comprise entre 20 et 100 % de l'atmosphère terrestre, et on envisage un atterrissage à la surface de lacs d'hydrocarbures. Les résultats des survols du système de Saturne par Voyager 1 (1980) et Voyager 2 (1981) augmentent l'intérêt d'une mission dédiée à l'exploration de la planète géante. En ce qui concerne Titan, un des principaux objectifs du programme Voyager, les informations recueillies sont limitées, car la surface de la lune est entièrement masquée par une épaisse couche de nuages. Seul un radar ou un atterrisseur pourraient percer cet obstacle. Par ailleurs le survol du système saturnien par les sondes Voyager s'est fait à grande vitesse (30 km/s). Dans ces conditions, le recueil des données a été limité par la durée du survol, soit une quinzaine de jours, et a été limité par la trajectoire suivie. La NASA étudie dans ce contexte le lancement d'une sonde spatiale dérivée de Galileo, et emportant deux engins chargés d'étudier les atmosphères de Saturne et Titan1.
Genèse du projet (1980-1989)[modifier | modifier le code]
Vue d'artiste de la sonde “Saturn Orbiter/Titan Probe” (SOTP) étudiée en 1988
Au début des années 1980, Daniel Gautier, de l'Observatoire de Meudon, et Wing-Huan Ip, de l'institut Max Planck (Allemagne), suggèrent de développer un partenariat entre l'Europe et les États-Unis pour l'exploration de Saturne, en reprenant le modèle de la mission germano-américaine Galileo. Avec 27 autres chercheurs européens, les deux hommes proposent en 1982 un projet qu'ils baptisent Cassini, en réponse à un appel à candidatures de l'Agence spatiale européenne. L'Europe doit développer l'orbiteur, tandis que la NASA est chargée de la mise au point de l'atterrisseur, car elle seule dispose de l'expertise nécessaire. Des contacts sont pris avec les chercheurs américains, par l'intermédiaire de Tobias Owen de l'université de Hawaï. À la même époque, le rapport du Comité d'exploration du système solaire de la NASA (Solar System Exploration Committee), qui fixe les objectifs de la NASA pour la décennie à venir, recommande le développement de quatre missions : Venus Radar Mapper, Mars Geoscience/Climatology Orbiter, Comet RendezVous/Asteroid Flyby (CRAF) et un orbiteur chargé d'étudier Saturne. La même année, la Fondation européenne de la science et la National Academy of Sciences américaine créent ensemble, en 1982, un groupe de travail pour définir des projets communs d'exploration du système solaire. Ce groupe recommande le développement d'une mission d'exploration du système de Saturne comportant à la fois un orbiteur et un atterrisseur, reprenant ainsi la proposition Cassini. L'orbiteur doit réutiliser la plateforme très sophistiquée en cours de développement pour la sonde Galileo, qui permet l'emport d'un atterrisseur et la collecte de nombreuses informations scientifiques. Il est prévu que l'ESA développe l'atterrisseur, tandis que la NASA fournit l'orbiteur. Dans ses études, la NASA choisit toutefois, pour des raisons de coût, de développer une plateforme plus simple, baptisée Mariner Mark II, dérivée des engins du programme Mariner. Il est prévu que celle-ci soit d'abord mise en œuvre par la mission CRAF, puis par la mission lancée vers Saturne. La prise de décision est toutefois repoussée à la fin de la décennie. De 1984 à 1985 la NASA et l'ESA mènent des études techniques de faisabilité sur le projet. En 1986, le rapport décennal d'exploration du système solaire, publié par les instances académiques américaines (National Academy of Sciences), place en tête des priorités l'exploration de Saturne et de son système. L'ESA continuait seule les études sur le projet en 1986, alors qu'en 1987, l'astronaute Sally Ride défend l'idée d'un projet commun entre la NASA et l'ESA, dans un rapport rendu sur le sujet2.
L'agence spatiale européenne est la première à franchir le pas, en sélectionnant le 25 novembre 1988, dans le cadre de son programme scientifique Horizon 2000, l'atterrisseur Huygens, chargé de se poser sur Titan, parmi quatre propositions. La NASA inclut la même année, dans son budget, un projet groupant l'orbiteur Cassini et la sonde spatiale CRAFT, qui utilisent la même plateforme, mais n'obtient un feu vert financier qu'en novembre 1989, avec un budget inférieur à sa demande. Selon les premiers plans, la mission devait être lancée initialement en 1994, par la Navette spatiale américaine. Mais à la suite de l'accident de la navette Challenger, qui interdit l'emport de l'étage Centaur G, il faut se rabattre sur le lanceur militaire Titan IV. Trois fenêtres de lancement, en décembre 1995, avril 1996 et 1997N 2 sont identifiées, et celle de 1996 est retenue. Il est prévu que la sonde spatiale ait recours à l'assistance gravitationnelle de Vénus, la Terre et Jupiter, qu'elle effectue un survol à faible distance de l'astéroïde (66) Maja, et qu'elle arrive dans le système de Saturne en 2002. La charge utile est sélectionnée simultanément en septembre 1990, par les deux agences spatiales. Il est établi que les opérations de l'orbiteur Cassini soient contrôlées par le centre JPL de la NASA, tandis que Huygens doit être piloté depuis le centre de l'ESA, situé à Darmstadt. Le bus Mariner Mark II, utilisé par l'orbiteur Cassini, doit comporter un module orientable, permettant de pointer les instruments de télédétection, et un deuxième module en rotation constante, pour les instruments de mesure des champs et des particules3.
Conception et construction de la sonde spatiale (1990-1997)[modifier | modifier le code]
Une première modification des plans initiaux est apportée en 1991: le lancement est avancé en 1995. La sonde spatiale, durant son transit, doit utiliser l'assistance gravitationnelle à deux reprises (Vénus puis la Terre) et survoler l'astéroïde [302) Clarissa. Mais ces plans sont rapidement bouleversés par les coupures budgétaires que subit la NASA, qui repoussent le lancement à 1997. Quelques mois plus tard, le développement de la mission jumelle CRAFT mené conjointement par la NASA et l'agence spatiale allemande est annulé, pour permettre au projet Cassini de survivre. Mais le développement de la plateforme commune Mariner Mark II, qui ne se justifie plus dans ce nouveau contexte, ne survit pas à cette annulation. En 1992, pour faire face à l'escalade des coûts du projet, le concept des modules scientifiques orientables est abandonné, et l'antenne grand gain est rendue fixe, ce qui permet d'économiser 250 millions $, au prix d'une sérieuse dégradation des capacités de la sonde spatiale. Celle-ci ne peut plus, à la fois, recueillir des données scientifiques et les transmettre en temps réel vers la Terre. Dans la nouvelle configuration, le transfert de données, comme l'utilisation de certains instruments, nécessite la réorientation de la sonde spatiale toute entière. La vitesse de rotation de l'orbiteur étant 18 fois plus faible que celle envisagée pour les modules orientables, ces changements réduisent fortement la souplesse opérationnelle de Cassini. Pour étaler les coûts, la sonde doit être lancée avec des logiciels incomplets, dont le développement doit se poursuivre durant le voyage vers Saturne. Dans ces conditions, il n'est plus prévu d'effectuer de survol d'astéroïde durant le transit. Pour réduire encore les coûts, un accord est conclu entre la NASA et l'Agence spatiale italienne (l'ASI) pour que cette dernière prenne en charge le développement d'une partie du système de télécommunications, du radar et du spectromètre en lumière visible et infrarouge de l'orbiteur. En 1994 la NASA, de nouveau placée sous la pression budgétaire, envisage l'annulation du projet. L'administrateur de la NASA, Daniel Goldin, vient de lancer son programme de missions interplanétaires à bas coût, avec le slogan Better, Cheaper, FasterN 3 qu'il oppose à l'approche des missions complexes, coûteuses et à développement lent, dont CassiniN 4 lui semble un parfait représentant. L'ESA, qui a déjà investi beaucoup d'argent dans le projet, adresse directement une lettre, par l'intermédiaire de son directeur Jean-Marie Luton, au vice-président des États-Unis Al Gore, pour l'alerter sur les risques que comporteraient l'annulation de Cassini pour les projets scientifiques conjoints entre l'Europe et les États-Unis, en soulignant une fois de plus le manque de fiabilité du partenaire américain. Cette pression exercée par l'agence spatiale européenne contribue à repousser l'annulation cette année-là, ainsi qu'une nouvelle tentative du Congrès en 1995. D'autres mesures d'économie sont prises : l'antenne dédiée qui devait être utilisée par l'orbiteur pour relayer les émissions radio de Huygens est abandonnée, et les pièces détachées du programme Voyager fournissent la caméra grand angle. A contrario, comme la production du type de plutonium utilisée par les RTG avait été abandonnée faute d'application civile, il faut relancer à grands frais la chaîne de fabrication pour fournir le combustible nécessaire à la mission4.
Finalement, le budget total de la mission est évalué à 3,27 milliards de dollars américains. La contribution de la NASA est de 2,6 milliards, tandis que l'ESA participe à hauteur de 500 millions et l'ASI pour 160 millions. Le coût de la mission se ventile de la manière suivante5 :
1,422 milliard pour le développement de l'orbiteur Cassini et de l'atterrisseur Huygens ;
710 millions pour la mission en elle-même ;
422 millions pour le lanceur Titan IV et les opérations de lancement ;
54 millions pour les opérations de télécommunications prises en charge par le réseau d'antennes de la NASA Deep Space Network
La sonde spatiale porte le nom de deux astronomes ayant joué un rôle majeur dans l'étude du système de Saturne : Giovanni Domenico Cassini, astronome français, né dans le comté de Nice (état de Savoie), du xviie siècle, qui a découvert 4 satellites et la division de l'anneau de Saturne qui porte son nom, et Christian Huygens, astronome néerlandais du même siècle, qui a découvert Titan6.
Polémique sur les RTG[modifier | modifier le code]
Le générateur thermoélectrique à radio-isotope (RTG), la source d'énergie de Cassini
Comme la sonde évolue très loin du Soleil, il n'était pas envisageable d'utiliser des panneaux solaires pour fournir l'énergie nécessaire à la sonde7. C'est pourquoi elle embarque trois GPHS-RTG : ces modèles de générateur thermoélectrique à radioisotope produisent de l'électricité directement à partir de la chaleur produite par la désintégration naturelle du plutonium 238. Les RTG ont une durée de vie qui dépasse de beaucoup les 11 ans de la mission. La sonde Cassini-Huygens embarque 32,8 kg de plutonium (essentiellement du 238Pu, très radioactif), ce qui a provoqué une controverse avec des écologistes, des physiciens et d'anciens membres de la NASA. Concernant les risques de contamination, les estimations officielles étaient les suivantes : la probabilité d'une fuite de plutonium durant les trois premières minutes et demie était de 1 sur 1 400, d'une fuite durant la montée de la fusée de 1 sur 476, de contamination terrestre ultérieure inférieure à 1 sur un million, avec un risque de 120 morts sur 50 ans si un tel événement se produisait. De nombreux observateurs donnaient d'autres estimations. Par exemple, le physicien Michio Kaku prévoyait 200 000 morts si le plutonium contaminait une zone urbanisée, à cause de la dispersion atmosphérique, même si la trajectoire de lancement avait été prévue de manière à passer loin des grandes métropoles et si le RTG est conçu de manière à diminuer les risques de dispersion du plutonium en cas de défaillance du lanceur. De même, un risque supplémentaire provenait du second passage à proximité de la Terre le 18 août 1999. La NASA a publié des informations se voulant exhaustives et rassurantes quant aux risques liés au générateur RTG8.
RAPPORT DE
LA MISSION:
Giovanni Domenico Cassini